Une nouvelle espèce d'Ammonite
Parmi l’œuvre publiée de Philippe Gény, figure la description et le dessin d’une petite Ammonite[1] de l’Albien. La création de cette nouvelle espèce, Ammonites telescopus, est restée largement méconnue à l’époque, et aurait pu le rester, le spécimen type ayant, semble-t-il, disparu dans le naufrage de la collection Gény.
Contexte historique
En 1850, dans Le Journal de Conchyliologie[2], Alcide d’ORBIGNY publie une « Note sur quelques nouvelles espèces remarquables d’Ammonites des étages Néocomien et Aptien de France » dans laquelle il décrit et figure une petite Ammonite de l’Aptien d’une forme singulière qui « se distingue nettement de toutes les Ammonites connues » par la largeur exceptionnelle de son dos.
Cette nouvelle espèce, Ammonites jaubertianus, est décrite à en outre, comme étant entièrement lisse. D’Orbigny en signale la rareté : une dizaine de spécimens provenant des « Basses-Alpes » (département des Alpes de Haute Provence).
En 1873, dans les Annales de la Société des Lettres, Sciences et Arts des Alpes-Maritimes[3], Philippe GENY publie une « Notice descriptive d'une nouvelle espèce d'Ammonite », dans laquelle il décrit et figure une espèce qu’il nomme Ammonites telescopus à partir d’un unique spécimen bien conservé, trouvé dans l’Albien du vallon de LAGHET (LA TRINITE (06), alentours de NICE). Cette petite ammonite est également d’une largeur dorsale exceptionnelle. Il décrit l’ombilic comme étant « largement évasé et infundibuliforme », ce qui n’apparaît pas de façon évidente sur le dessin.
Enfin, il indique une ornementation sous la forme d’un «grand nombre de fines stries transversales », ornementation totalement absente de l’espèce aptienne de d’ORBIGNY.
En 1899, ANTHULA[4] décrit à son tour une espèce similaire, de l’Albien également, qu’il nomme Lytoceras latericarinatum, trouvée dans le Caucase.
Dans la description de sa nouvelle espèce, il fait le rapprochement avec certaines des caractéristiques de l’espèce aptienne crée par D’ORBIGNY, Ammonites jaubertianus, notamment au niveau de l’ombilic, en forme d’entonnoir.
Enfin, il signale une ornementation, sous forme de fines stries denses, incurvées vers l’avant, qui n’est visible que sur certains fragments.
Il est à noter qu’ANTHULA ne fait aucune référence à l’espèce de GENY, dont il ne semble pas avoir eu connaissance.
JACOB[5], en 1907, crée le genre JAUBERTELLA (qui deviendra JAUBERTICERAS) dans laquelle il range 3 espèces : Jaubertella jauberti [Ammonites jaubertianus] (d’Orb.) ; Jaubertella latericarinata [Lytoceras latericarinatum] (Anth.) ; ainsi qu’une autre espèce de l’Albien, plus sphérique, Jaubertella micheliana [Ammonites michelianus] d’Orb., signalée par D’ORBIGNY dans le Prodrôme de Paléontologie[6] en 1850, qui sera rangée ultérieurement dans le genre GABBIOCERAS.
Comme ANTHULA, JACOB rapproche Jaubertella latericarinata (Anth.) de Jaubertella jauberti (d’Orb.), notant l’absence de stries chez cette dernière espèce comme un possible problème de conservation des spécimens mais il l’en distingue par « une spire qui, très nettement, s’accroit moins en largeur que dans l’autre espèce » et une région externe « absolument cylindrique ».
Mais, lui non plus ne semble pas avoir eu connaissance des travaux de GENY.
Il signale Jaubertella latericarinata (Anth.) dans l’Albien du Sud-Est de la France (Isère, Alpes-Maritimes) mais également dans les Alpes suisses. Elle sera à nouveau signalée du Caucase par DRUZCZIC, KUDRJAVCEW en 1960 et EGOIAN en 1969.
[4] Dim. J. Anthula, Über die Kreidefossilien des Kaukasus mit einem allgemeinen Ueberblick über die Entwicklung der Sedimentärbildungen des Kaukasus, 1899, p.47, pl. VI, fig.2a, b, c.
[5] Ch. Jacob, Etude sur quelques ammonites du Crétacé moyen, Mémoires de la Société Géologique de France, n°38, 1907, p.18, pl.II, fig. 17-18.
[6] A. D’Orbigny, Prodrôme de Paléontologie, T.2, 1850, p.113, n°20.